Le renouvellement urbain est un sujet complexe et, pourtant, essentiel. Il ne peut faire l’impasse sur l’impact, à moyen et long terme, des décisions prises par les acteurs institutionnels et professionnels et de leur interaction avec les pratiques des habitants. Avant d’aborder ce thème, Nicolas Brossier, président de l’OEIL, Observatoire Evolutif de l’Immobilier Local, et Damien Quermonne, Directeur de pôle chez Adequation, ont présenté les statistiques du marché immobilier de la communauté clermontoise.
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L’éloignement des populations du cœur de ville engendre une augmentation des besoins de mobilité et une diminution de la qualité de vie perçue//réelle liée à la forme du logement (maison individuelle ou petit collectif). En parallèle, les populations attendent un accès aux services identique à celui d’un centre-ville dans des environnements à faible densité. S’il y a un consensus de la collectivité pour dire qu’il faut limiter l’étalement urbain, les habitants des villes moyennes se refusent à habiter dans des étages supérieurs, partant du principe que, ayant des grands espaces alentour, ils attendent le même espace dans leur quotidien de vie. Or, la densification, en construisant des immeubles de plus de 7 étages (seuil «psychologique»), contribue à la libération d’autres écosystèmes pour la création d’espaces verts, moins étanches. Mais comment densifier la ville ? Comment arrêter de réduire l’espace agricole ? Comment reconstruire la ville sur la ville ? Comment ramener de la biodiversité et la nature en ville ? Comment accompagner la transition énergétique ?
Alors, « l’étalement urbain, aubaine ou fléau » ?
Pour l’évoquer, l’OEIL a mobilisé trois experts :
 Rachid KANDER, Directeur général de la SEM Société d’Equipement de l’Auvergne et de la SPL Clermont Auvergne
 Grégory BERNARD, Adjoint au maire de Clermont-Ferrand en charge de l’urbanisme, de l’habitat et du logement – Conseiller métropolitain en charge du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal.
 Jacques CHAZALET, agriculteur, président de la SAFER et du Sommet de l’élevage

  • Rachid KANDER
    Directeur général de la SEM Société d’Equipement de
    l’Auvergne et de
    la SPL Clermont Auvergne

OEIL : Peut-on expliquer l’étalement urbain ?
Rachid KANDER : Drach-Zahavy, théoricien autrichien a dé-fini que l’homme a toujours consacré 1 heure de son bud-get temps pour son travail, que ce soit à pied ou à cheval, pendant des siècles, puis en train, en voiture, ou en TGV. Le défi de notre siècle est de changer spontanément cette dé-marche OU de donner des carottes pour y arriver.

OEIL : Comment en est on arrivé au postulat que l’étalement urbain n’est plus possible ?
R.K. : Le modèle économique d’étalement est source de surcoût à tous les niveaux : détérioration d’espaces agri-coles majeurs, construction de réseaux d’assainissement, d’accès, de services.
Le collectif, de manière sourde, paye depuis des décennies le coût des nouveaux choix de vie apparus car plus on dilue l’habitat moins on est capable de rentabiliser ou de rendre efficient le coût collectif.

OEIL: Votre mission pour faire la ville sur la ville? 
Rachid KANDER : La limitation de l’étalement urbain répond au Grenelle de l’environnement. La France consomme 24 m²/seconde. Il est donc indispensable de s’orienter vers des compensations pour tendre vers 0m/seconde !! Nous sommes donc en train de développer une expertise pour imaginer la ville de demain. Le gouvernement a lancé le « programme centre-ville » ainsi que le « programme centre-bourg » afin que les communes se réapproprient leur coeur de ville. C’est donc une véritable aubaine à saisir. Concrètement, l’exemple de Saint Gérand le Puy, dans l’Al-lier, en est l’illustration parfaite avec sa reconquête du centre-bourg. Notre rôle est alors d’être des agrégateurs et des facilitateurs. Et c’est la solidarité rendue possible par la création d’une métropole qui nous conduit à pouvoir, de cette manière, soutenir des communes de plus petite taille.

  • Grégory Bernard Adjoint au maire de Clermont-Ferrand, en charge de l’urbanisme, de l’habitat et du logement, Conseiller métropolitain en charge du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal.

OEIL : Quel regard portez-vous sur la question de l’utilisation historique des espaces dans les villes ?
Grégory BERNARD :
Il faut d’abord poser la problématique par rapport aux 30 glorieuses où le territoire français a connu, après les années 50/60, un bouleversement radical et rapide. Quasi tous les français ont eu une voiture et cherchaient à s’installer loin des coeurs de ville car les terrains étaient plus grands et moins chers. Ce phénomène, d’abord progressif, a ensuite été spectaculaire après les années 90 avec des lotissements qui explosent. Sur notre territoire, ce sera Aubière, Beaumont, Cébazat,… créant cette première couronne clermontoise. Aujourd’hui, les besoins de vie ont changé. Avec 400.000 habitants, l’agglomération s’est transformée dans sa répartition. C’est dû à une véritable évolution dans la façon de vivre. L’imaginaire du pavillon et de la «vie à l’américaine» a déstructuré les formes urbaines traditionnelles, induisant une différenciation ville/ campagne plus floue.
Sur Clermont-Ferrand et ses alentours, il y a une facilité de vivre dans des endroits exceptionnels et attractifs. Mais si l’on compare les photos aériennes entre 1960 et 2018, force est de constater que l’emprise de l’habitat a tout bouleversé. Notre territoire est toujours perçu comme «désirable» par la population. Se pose concrètement, désormais, le questionnement du maintien et de la pérennité des espaces agricoles pour nourrir et faire vivre. Or, il existe une « concurrence déloyale » quant au prix du terrain.

OEIL : Comment traite t’on, alors, la non-urbanisation?
G.B. :
A Clermont-Ferrand, la non-urbanisation pour préserver des espaces naturels, entre 2 parcs (Livradois Forez et Volcans d’Auvergne) et la faille de Limagne et la chaîne des puys, est un devoir que nous assumons. Notre métropole a un énorme avantage par rapport à d’autres avec des espaces naturels incroyables à 20 minutes de la place centrale de la ville. Il est indispensable de les préserver et de les laisser en héritage aux générations à venir.

OEIL : Comment réorganise t’on le territoire ?
G. B. : L’idéal de l’habitat en pavillon, avec de l’espace vert, est très individualiste. Or, l’être humain a besoin de sociabilité. Jeune, cela pose moins de contraintes. Avec le vieillissement, la notion de services va engendrer des problématiques accrues se traduisant par des surcoûts de déplacement, de proximité médicale, etc… Ce qui amène souvent cette tranche d’âge à revenir vivre en coeur de ville. Il y a donc des réflexions sociales et politiques qui doivent être menées. D’ici 20 ans, il faudra sans doute repenser ces grands quartiers pavillonnaires dans toute la France.
Depuis les lois Grenelle, on se penche plus sérieusement sur cette problématique de l’étalement urbain. Le SCOT a induit un début de prise de conscience sur notre territoire entraînant des décisions, déclinées dans les PLU, pour préserver tous nos espaces. Le fait que les PLU, en étant compatibles avec le SCOT, s’imposent à la taille de la commune, permet aussi de «résister» à la pression des propriétaires fonciers.

OEIL : Quelles solutions peuvent-être mises en oeuvre afin de recréer de la densité en ville et faire face à l’étalement urbain?
Grégory BERNARD : Il faut commencer par rendre la densité désirable, surtout pour les jeunes générations qui veulent une quadrature du cercle : aller au travail à pied ou à vélo, avoir des services de proximité, bénéficier d’un cadre de vie agréable avec des paysages, et avoir de la vue et des espaces extérieurs !! Parmi les réponses, Clermont-Ferrand a misé sur les éco-quartiers. Trémonteix et Champratel sont des réponses concrètes et pragmatiques pour lutter contre l’étalement urbain. En centre-ville, c’est le travail sur l’architecture qui va primer avec des terrasses, des espaces collectifs aménagés pour les enfants,… Ces tendances sont en train d’apparaitre sur tout le territoire, dans des villes de taille équivalente à celle de Clermont. D’où la nécessité de co-construire cette ville de demain avec toute la profession immobilière. Mais, aussi, avec les professionnels du monde agricole. En collaborant avec la fédération viticole, par exemple, nous sommes en train de réintroduire la vigne sur nos coteaux. C’est donc une réflexion lourde de sens que nous portons et qui fait partie des fondamentaux de notre approche urbaine.

  • Jacques CHAZALET
    agriculteur,
    président de la SAFER et du Sommet de l’élevage

OEIL : Vous présidez la SAFER qui a pour vocation de préserver les espaces et le Sommet de l’élevage qui a besoin d’infrastructures. Quel est votre regard sur cette problématique de l’étalement urbain ?
Jacques CHAZALET :
Clermont-Ferrand a su garder une ceinture verte exceptionnelle. Il y a une véritable attente sociétale de se réapproprier l’authentique et ce qui a du sens, surtout dans l’alimentation. Notre société est passée, en quelques dizaines d’années d’un besoin de quantité à une envie de qualité puis à un désir de produits variés et porteurs de valeurs. Or, dans notre pays, la ressource de l’espace paraissait inépuisable. Ce n’est plus le cas désormais. Il est donc obligatoire de créer du réseau et une connectivité et, en parallèle, un habitat adapté.
J’ai en effet deux casquettes et je connais parfaitement ce monde agricole qui est le mien. Nous sommes confrontés à un paradoxe complexe entre les jeunes qui, pour s’installer, ont besoin de terres et les futurs retraités qui veulent valoriser leur patrimoine.
Mais «gérer n’est pas sanctuariser». Conserver la ceinture verte clermontoise est impératif. C’est même une obligation économique quand il s’agit de préserver la capacité agronomique de ces espaces. Il est donc indispensable de pouvoir échanger avec tous les acteurs. Si des surfaces sont perdues, il faut accepter de compenser, par exemple avec les réseaux d’irrigation. On voit bien que la maîtrise de l’étalement urbain va aussi amplifier les intérêts contradictoires. Il faut que les partenaires puissent se mettre autour d’une table pour débattre, sans tabou, sur tous ces sujets.
Autre exemple, le Sommet de l’élevage est un vecteur de rayonnement de notre région absolument exceptionnel. Il génère une activité remarquable en termes de retombées locales. Mais il est aussi indispensable pour les relations de nos éleveurs et agriculteurs. Sans nouvelles infrastructures, nous sommes condamnés à péricliter. Cela veut dire qu’il va falloir aménager de nouveaux espaces. Des parkings relais et une desserte avec des voies dédiées au bus serait une solution pour aller vers ce « vivre ensemble ». Là aussi, échanger et co-construire est la seule voie pertinente.

OEIL : Comment faire partager ce qui apparait comme une évidente obligation ?
Jacques CHAZALET : Il sera nécessaire de sensibiliser les agriculteurs sans succession familiale. Mais l’importance des zonages au-delà de la commune est aussi indissociable de cette réflexion, car un PLU intercommunal apportera un recul pour la collectivité en diminuant la pression locale.

OEIL : Et votre vision d’agriculteur ?
Jacques CHAZALET : Je suis installé sur Thiers, sur l’exploitation de mon épouse où mon fils sera la 5e génération d’exploitants. Nous produisons des agneaux de boucherie Label rouge et des poulets de chair.
En organisant en 1991 la 1ère finale de labour avec les Jeunes Agriculteurs sur le Puy-de-Dôme, nous voulions prouver notre capacité à créer des évènements susceptibles de faire passer les messages du monde agricole autrement qu’en déposant du lisier devant une préfecture.
En 1992, nous créerons le Sommet de l’élevage pour faire rayonner, encore plus, notre profession, ses problématiques mais, aussi, son engagement dans les enjeux sociétaux.
Nous ne pouvons donc qu’être présents sur ce débat de l’étalement urbain pour faire partager notre propre point de vue.

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